Rik Coolsaet, directeur de collection, Jihadi Terrorism and the Radicalisation Challenge in Europe (Londres: Ashgate, 2008), 204 pages.
Beaucoup de spécialistes en politique internationale s’intéressent actuellement au terrorisme. Le nombre d’ études qui paraissent le montre assez bien. L’augmentation du nombre de cours universitaires offert dans le domaine le montre aussi. Mais pour qu’une étude ou un volume se fasse remarquer, dans cette situation inhabituelle de concurrence, il faut donc qu’un ouvrage particulier se détache de la masse, ou qu’il attire de quelque manière l’attention du lecteur. L’ouvrage cité ci-haut le fait-il?
M. Coolsaet est le directeur d’un recueil d’essais qui porte sur le terrorisme intégriste en Europe. Le recueil se penche surtout sur deux grandes questions. Premièrement, quels sont les mécanismes précis par lesquels l’environnement global encourage le terrorisme, que ce soit local ou régional? Et deuxièmement, comment ces mécanismes affectent-ils le processus qui mène à l’intégrisme musulman? L’ouvrage cherche donc à situer, après vingt ans d’existence, le terrorisme européen face à l’intégrisme musulman, et il explore cet intégrisme comme cause principale du terrorisme.
Le volume compte quatre parties. La première donne un survol de la menace intégriste des vingt dernières années en Europe. Cette section analyse les facteurs menant à la brutale efficacité du terrorisme, et donne au lecteur une perspective historique du phénomène. La seconde partie compare l’intégrisme en Europe avec celui qui prévaut soit au sud-est asiatique, soit en Afrique du Nord, soit en Belgique. La troisième partie du volume examine les causes profondes de l’intégrisme, tant chez les musulmans que chez les communautés immigrantes d’origine musulmane, en Europe. Cette section présente aussi une analyse du processus par lequel l’identité de ces communautés se construit. En plus, elle examine les mécanismes de propagation de l’idéologie intégriste chez les deux générations successives d’immigrants, c’est-à-dire chez enfants et les petits-enfants d’immigrants. La quatrième et dernière partie propose des politiques pour ralentir la propagation de cet intégrisme parmi les communautés immigrantes, les services policiers, et l’Union européenne.
La conclusion la plus frappante de l’ouvrage est celle qui porte sur la diversité des processus de propagation de l’intégrisme. Ces processus ont en commun certaines caractéristiques, comme par exemple, un environnement où existe un sens prononcé d’injustice. De telles communautés partagent aussi le sentiment d’être défavorisées. Et il suffit que de telles injustices soient perçues -- il n’est pas essentiel que les désavantages soient extrêmes ou réels. Ces sentiments doivent croiser la situation personnelle et l’histoire immédiate de chaque individu en passe de devenir intégriste. Les solutions à de tels problèmes doivent donc être particulièrement adaptées à chaque communauté. Il n’est donc pas étonnant de conclure que le défi auquel fait face l’Europe est grand. À cause des caractéristiques politiques de l’Union européenne, les états-membres, plutôt que l’Union dans son ensemble, sont les premiers acteurs dans le domaine. Puisque l’Union européenne ne fait que leur fournir un cadre, on comprend que les initiatives des différents gouvernements soient bien diverses.
J’ai deux commentaires à faire sur le recueil de M. Coolsaet. Le premier porte sur cette diversité des initiatives européennes pour contrer la montée de l’intégrisme. Cette diversité me semble présenter un avantage certain. Il n’est toujours pas clair lesquelles parmi ces initiatives peuvent prévenir l’intégrisme ou le renverser. Tant que nous n’en saurons pas davantage, le fait que les politiques adoptées varient ne peut que nous fournir plus d’indications sur ce qui peut être, en fait, efficace. Cela ne manquera pas, plus tard d’être tout un casse-tête, un de plus, pour les gouvernements européens. L’autre commentaire que je fais à M. Coolsaet, c’est que l’on n’a pas encore étudié les processus qui ont le potentiel de renverser l’intégrisme. Sait-on seulement s’il est possible de le renverser? Et si la réponse est oui, sait-on sous quelles conditions cela serait possible? Bien que je figure parmi les profanes en ce domaine, à sa place, je commencerais par examiner les sociétés qui se remettent d’importantes guerres civiles. L’exemple de certains pays d’Afrique, il me semble, pourraient peut-être fournir des renseignements précieux concernant la baisse d’extrémismes en tout genre.
Je conseille cet ouvrage à tous ceux qui s’intéressent au phénomène du terrorisme, entre autre à cause de la diversité supérieure des auteurs. Par exemple, on compte, parmi ses auteurs des spécialistes en questions policières, par exemple, ce qui est assez rare dans la littérature savante. Les études recueillies par M. Coolsaet portent souvent sur la situation de la Belgique, et il s’agit encore là d’une pays dont on n’entend pas souvent parler au Canada.
Roger Riddell, Does Foreign Aid Really Work? Londres: Oxford University Press, 2008.
Voici un ouvrage très intéressant qui est doté d’une écriture claire et d’une des meilleures structures que j’ai vu depuis longtemps. Il se lit donc rapidement et facilement. L’auteur, Riddell, est chevronné tant dans l’exercice de l’aide internationale que dans la réflexion, ayant écrit il y a une vingtaine d’années le classique dans le domaine, Foreign Aid Reconsidered. Le volume est assez long comparé aux monographies savantes de ces dernières années, comptant plus de cinq cent pages. En somme, pour le poids des faits et les capacités de l’auteur, les conclusions sont timides, et ses recommandations le sont aussi.
Tout le domaine de l’aide au développement, dans son contexte historique et politique, passe sous le regard perçant de Riddell. Il examine de près les effets, les contraintes, et l’efficacité générale de l’aide internationale, revoyant pour cela les faits les signifiants et les plus pertinents possibles. Riddell se donne pour objectif l’aide au développement sous toutes ses formes : l’aide officielle en provenance des états étrangers, l’aide internationale en provenance organismes à but non lucratif, et l’aide internationale en réponse aux situations d’urgence ou de crises locales ou régionales.
Les quatre parties du volume comptent vingt-deux chapitres. La première partie est surtout une mise en scène. Elle parle de l’évolution de l’aide au développement des ses origines jusqu’à nos jours. Elle offre un répertoire exhaustif des approches et des genres de politiques qui sous-tendent les principaux bienfaiteurs. Elle explique comment ce répertoire a donné lieu au complexe réseau qui régit actuellement l’aide au développement. La seconde partie du volume se penche sur les motifs pour lesquels les bienfaiteurs, états, organismes, groupes ou individus, accordent cette aide. Elle jette un regard sur les raisons pour lesquelles les individus peuvent soutenir les efforts de développement et de travaux humanitaires des organismes à but non-lucratifs. Les vedettes de cette seconde partie sont nulles autres que les intérêts stratégiques, politiques et économiques des états bienfaiteurs. Le deuxième rôle est distribué aux raisons pour lesquelles les riches sont les bienfaiteurs des pauvres lointains, plutôt que les pauvres proches – des observations perspicaces d’un auteur astucieux. Ensuite vient l'étude des raisons pour lesquelles les personnes riches donnent aux pauvres lointains. La second partie se termine par une revue des raisons morales que donnent les gouvernements avant d’accorder de l’aide.
La troisième partie est de loin la plus longue. Elle est consacrée à l’étude de l’efficacité de l’aide au développement. Un chapitre entier discute des questions méthodologiques, qui sont épineuses dans ce domaine. Ensuite, Riddell passe en revue l’efficacité des projets financés par les états étrangers. Il examine ensuite comment l’aide internationale cherche à augmenter les capacités administratives des états et les groupes récipiendaires. Deux chapitres se penchant sur l’aide apportée par les organismes à but non-lucratif clôturent la troisième partie. Le lecteur arrive essoufflé à la quatrième partie, qui présente une sommaires des contraintes auxquelles fait face l’aide internationale, et qui l’empêchent d’avoir un plus grand impact. En tête se trouve la mauvaise administration des organismes tant gouvernementaux que non-lucratifs.
Riddell offre dans cette quatrième parties son verdict principal : l’aide internationale est valable, mais elle pourrait être beaucoup plus efficace. Bien que les réformes de ces dernières années ont apporté une certain amélioration, beaucoup reste à faire. Riddell nous offre une liste de problèmes à régler à deux volets. Le premier volet porte sur les donateurs : en premier lieu, les distorsions causés pars les intérêts politiques, économiques et stratégique des donateurs; en second lieu, la volatilité et la volonté inégale des donateurs; en troisième lieu, la multiplicité des donneurs et des fonds, programmes et projets; et enfin en quatrième lieu, les conseils administratifs offerts par les bienfaiteurs. Un des grands manques à gagner est au niveau des connaissances sur les organismes à but non-lucratif. Le second volet porte sur les récipiendaires : en premier lieu, l’engagement, la capacité administrative, et l’administration; en second lieu, les entraves à l’efficacité; et en troisième lieu, la situation politique des populations récipiendaires.
Étant donné l’étendue de ces problèmes, Riddell n’émet que cinq recommandations. En tout et partout, cela ne surprendra personne, il n’y pas assez d’aide. Ensuite, l’aide n’est pas accordée de façon systématique, rationnelle ou efficace. Troisièmement, les montants d’aide changent de façon imprévisible d’une année à l’autre, ce qui empêche les récipiendaires de planifier adéquatement. Quatrièmement, les récipiendaires sont obligés de travailler avec des dizaines et même des centaines de donateurs distincts. Enfin, et ce malgré l’importance de décisions prises par les récipiendaires, les relations donateurs-récipiendaires demeurent très inégales.
Au terme de cette lecture, je me suis demandé si le véritable bénéficiaire de l’aide internationale n’était pas l’administrateur bien payé du pays ou de l’organisme donateur plutôt que le récipiendaire démuni. Ce n’est pas nécessairement la question à laquelle l’auteur de cet excellent volume aurait voulu que je m’attarde.
Monday, January 19, 2009
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