Monday, May 26, 2008

Recension de Whitby Gimblett Haydon, The Admirals

Michael Whitby, Richard H. Gimblett et Peter Haydon, The Admirals/Canada’s Senior Naval Leadership in the Twentieth Century, publié en 2007 chez Dundurn.

Il y a un très grand manque de littérature savante sur tout ce qui se rapporte à la marine canadienne, dans à peu près toutes les disciplines. En histoire maritime, il est vrai, nous sommes un peu plus gâtés. Cela veut dire que presque n’importe quelle recherche dans le domaine trouvera son auditoire tout de suite, indépendamment de sa valeur en soi . Le présent ouvrage sur l’amirauté canadienne colmate une brèche très importante. Ce jugement demeure malgré certaines réserves exprimées ici-bas.

Whiteby, Gimblett et Haydon sont les directeurs d’un ouvrage qui a connu ses débuts à la sixième conférence historique sur le commandement maritime, à Halifax, en septembre 2002. Ils donnent à leur ouvrage une structure très simple: chaque chapitre se consacre à l’un des commandants de la marine, remontant jusqu’au XIXème siècle, et la suite des chapitres est présentée en ordre chronologique. Presque tous les commandants s’y retrouvent, à quelques exceptions près. Le contenu est aussi simple et facile d’accès : il s’agit la plupart du temps d’une énumération chronologique des hauts points de carrière de ces commandants. On y retrouve la liste des navires ou des flottes commandées, le répertoire de la formation suivie, une notice biographique, et un portrait. Absents sont les grands défis politiques, militaires ou autres auxquels certains d’entre eux ont du faire face. Plusieurs des chapitres avaient déjà été publiés ailleurs. Pour le profane, le contenu n’est donc pas très intéressant.

Cela étant dit, il s’agit ici d’un ouvrage qui a sa place dans toute bibliothèque universitaire, car il n’est pas près de se faire faire concours prochainement. Si je ne puis que souligner certains manques, je ne doute pas de l’exactitude des faits rapportés. L’écriture est claire et l’ouvrage est facile à lire. Le texte est égal, et l’ouvrage est facile à consulter pour qui cherche un renseignement particulier.

S’agit-il d’un ouvrage de référence ou d’un essai? Voici ce que je ne puis décider, et voilà ce qui me rend, en fin de compte, plus sévère dans mon opinion. S’il s’agit d’un ouvrage de référence, il aurait fallu qu’il soit complet et que la structure des chapitres soit standardisée. Il aurait aussi fallu présenter un chapitre sur tous les commandants, au lieu d’en sauter quelques uns du XIXème siècle. Une seconde difficulté se retrouve à l’horaire du colloque de 2002: il y a eu un panel composé de quatre commandants récents de la marine. Pour un ouvrage de référence, il est bien difficile d’émettre des chapitres objectifs sur des sujets qui vivent toujours, surtout lorsqu’ils sont devant vous, à écouter ce que l’on dit d’eux de vive voix. Les auteurs n’ont pas pu faire autrement que de se sentir moins libre dans leurs propos.

S’il s’agit d’un essai, pourquoi n’a-t-on pas publié les remarques de ces commandants, remarques d’autant plus intéressantes sur l’évolution du leadership, ou les défis d’avenir. Pour un essai, le manque d’analyse est la faiblesse la plus criante de l’ouvrage. Il n’y a que l’essai d’introduction, qui ne présente ni un résumé, ni un aperçu de l’ouvrage. Par contre, cet essai fait mention de l’état civil de chaque amiral : tous des hommes mariés et tous ayant eu des enfants, on peut se demander quelle est la pertinence de ces renseignements. L’essai d’introduction fait aussi état de la langue maternelle des amiraux, qui tous étaient francophones. Quelle est la signification de ce fait? Les auteurs ne proposent aucune explication et ne formulent aucune hypothèse. C’est dire si la pénétration est limitée.

Par là-dessus, le colloque d’origine comportait un panel sur la nature particulière du commandement marin, un thème qui ne revient nulle part ailleurs dans l’ouvrage. Il y a donc eu plusieurs occasions ratées de contribuer plus à la compréhension de l’amirauté canadienne. Les directeurs de l’ouvrage affirment dans leur introduction avoir manquer de temps. Les bibliothécaires vont sûrement se procurer l’ouvrage pour leurs collections. Il reviendra donc au lecteur ordinaire de juger si cela lui suffit comme explication.

Recension de Rich, Pacific Asia in Quest for Democracy

Roland Rich, Pacific Asia in Quest of Democracy, publié chez Rienner en 2007.

Je n’ai pas trouvé rassurant d’apprendre que l’auteur de cet ouvrage avait détenu la bourse Reagan chez le National Endowment for Democracy, à Washington. Mais nous devons tous prendre l’habitude de prendre en ligne de compte des travaux écrits par des politologues américains qui sont ouvertement d’extrême droite, et dont les prémisses de recherche sont tirées de ces positions. L’ouvrage de M. Rich, qui n’est pas américain mais australien, n’est ni le premier ni le dernier chercheur qui appartient à cette catégorie. Il s’agit donc plus d’une polarisation plus appuyée qu’entièrement nouvelle à laquelle on fait face avec Pacific Asia in Quest of Democracy.

L’auteur de l’ouvrage qui nous occupe est un diplomate expérimenté qui désire maintenant terminer sa carrière par la vérification d’une hypothèse qu’il portait depuis un certain temps. Le premier choix qu’il se fixe est celui de la tâche à accomplir. Il se propose de passer en revue les institutions démocratique des états de l’Asie-Pacifique depuis la Corée jusqu’en Indonésie au sud et à la Thaïlande à l’est. Ce choix audacieux me paraît à moi, l’auteur d’ouvrages pourtant très ambitieux, presque impossible à réaliser. Il aurait mieux fait d’annoncer plus tôt ce qu’il a entrepris de fait, c’est-à-dire de restreindre ce projet à la Corée du sud, à Taïwan, à Singapour, aux Philippines, et à la Thaïlande et à l’Indonésie., excluant de son projet, le Vietnam, le Cambodge, et le Laos, mais surtout la très importante Chine, ainsi que la Malaysie en pleine évolution démocratique. La tâche annoncée est beaucoup trop grande, et il se doit de la restreindre, mais lorsque Rich le fait, il le fait d’une façon qui pose question au lieu d’augmenter sa crédibilité.

Cela fait, Rich revoit plusieurs domaines politiques à la recherche d’indications démocratiques. Parmi ces domaines l’on retrouve les institutions démocratiques où il analyse les rapports de pouvoirs et des systèmes parlementaires et des systèmes présidentiels, mais aussi la cohérence des systèmes électoraux qui choisissent les premiers ministres ou les présidents, et l’intégrité des institutions et procédures qui régissent tout celà. Nous n’en sommes toujours qu’au troisième chapitre. Au quatrième, Rich examine le développement et les applications du droit, au cinquième les partis politiques, au sixième les caractéristiques et les principes du leadership de ces pays et jusqu’à quel point il accepte les règles démocratiques. Le chapitre 7 porte sur le discours public et le rôle des mass media. Le chapitre 8 examine la culture politique, y compris les effets du confucianisme, où il rejette le stéréotype des asiatiques conformistes et soumis. Le chapitre 9 cherche à expliquer pourquoi les démocraties s’assemblent mais ne se ressemblent pas. Arrivant essoufflé au dernier chapitre, le lecteur reçoit l’explication de tout ce qui a précédé. Je vous rassure : il conclue tout simplement que les allures d’une démocratie à l’autre sont aussi variables que la forme du corps humain d’une personne à l’autre. Le sprint n’aboutit pas.

Les choix de recherche fait par Rich reflètent les limites de sa rigueur. On voit donc d’un œil différent ses propos peut-être badins d’avoir choisi d’écrire un essai parce qu’il n’avait ni le talent nécessaire à l’écriture d’un roman, ni la célébrité nécessaire à la publication de ses mémoires. On m’accusera de le prendre au pied de la lettre si l’on veut, mais il m’a paru y avoir quelque vérité dans ces aveux bonhommes. Autrement, je ne sais pas quoi dire d’un ouvrage aussi naïf qui, s’il ne sombre pas dans le silence de l’oubli, devrait normalement être attaqué de toute part. Il n’en demeure pas moins que cet ouvrage est écrit clairement, que l’auteur a fait son devoir et cite amplement la littérature savante, et que ces travaux ont été parrainé par des auteurs plus connus. Mais une enquête de cette envergure exigerait normalement une nombreuse équipe de recherche et de longues années de travaux imposants. Il n’est qu’alors possible de cerner quelque chose de signifiant, si en partant le raisonnement est loin d’être aussi rudimentaire et les concepts aussi relâchés dans leurs applications. J’aurais préféré de ne pas voir se terminer une carrière diplomatique d’un citoyen d’une nation alliée sur un aussi bas point.