Wednesday, December 12, 2007

J. Adamski, M. Troy Johnson, C.M. Schweiss, Old Europe, New Security/Evolution for a Complex World (Londres: Ashgate, coll. Ethics and Global Politics


La tâche que se donnent les directrices de ce volume est d’examiner la sécurité européenne à partir d’une nouvelle approche. Cette approche intègrerait les diverses possibilités qu’offrent plusieurs points de vues, plusieurs contextes géographiques, et plusieurs formations politiques. Les dimensions élargies de l’approche proposée reflètent les dimensions de la sécurité européenne elle-même, tout comme l’intégration théorique des auteurs reflète l’intégration politique des états concernés.

Parmi les sujets auxquels s’adresse Old Europe, New Security, l’on retrouve les questions suivantes: qu’est-ce qui motive les acteurs européens, que ce soit les états-membres ou des acteurs non-gouvernementaux? Ces acteurs européens privilégient-ils la défense nationale plutôt que la sécurité européenne? Sur quels fondements les divers objectifs nationaux s’appuient-ils? L’expérience historique seule est-elle toujours le fondement de la sécurité européenne? Est-ce que la sécurité européenne se fonde à son tour sur une culture régionale autonome? (Les auteurs prennent pour acquis que cette culture régionale autonome existe.) Lesquelles des institutions européennes s’adaptent à la nouvelle architecture politico-militaire de l’Europe? Quels rôles jouent la European Security and Defense Policy et la Common Foreign and Security Policy? Comment ces politiques se comparent-elles au rôle de l’OTAN?

On peut s’en douter, n’importe quel ouvrage qui se propose une telle gamme d’objectifs comportent au moins deux approches distinctes, mais connexes. En première partie, le débat s’ouvre sur des chapitres tantôt plus théoriques, tantôt plus historiques. On retrace pendant plusieurs chapitres suivants l’évolution de la politique de sécurité de l’Union européenne. Mme Johnson, pour sa part, compare les valeurs européennes et américaines qui sous-tendent leurs politiques de sécurité respectives. L’auteur suivant, Mme Adamski, analyse ce que révèlent les discussions autour du traité de Bruxelles et de la communauté européenne de défense, surtout en ce qui a trait aux préférences historiques de la population. Vient ensuite l’analyse de Mme Liotta, qui aborde le concept européen de sécurité dans la mesure ou il actualise les valeurs et les préférences de la population. Cette analyse pénétrante permet une meilleure compréhension du processus et du contenu des politiques de défense et de sécurité. M. Keulman approfondit l’analyse de politiques particulières, en l’occurrence celle portant sur la Common Foreign and Security Policy et celle portant sur la European Security Defense Identity. Les deux chapitres qui suivent examinent, dans le cas de M. Krupnick, le détail de la structure de la sécurité européenne, et dans le cas de mme Schweiss, le développement, la situation actuelle et les structures intérieures soutenant les capacités opérationnelles de l‘Union européenne.

En seconde partie, on retrouve tout d’abord les travaux de Mesdames Jebb et Schweiss sur la réaction européenne à la crise dans les Balkans. Leurs conclusions sont plus optimistes que la plupart des chercheurs dans le domaine. Quand vient le tour de Mme Beitler, elle juge de la situation complexe au proche Orient, et trouve pour sa part que l’approche européenne – la plupart du temps très distincte de celle des États-Unis – mène à des résultats bien différents. Au chapitre suivant, M. Nadkarni explore l’approche que prend l’union Européenne envers la Russie, son voisin le plus imposant. M. Nadkarni conclue que la multiplicité des domaines de négociation vient à en faire une relation complexe et plutôt imprévisible. Enfin, M. Roy examine en détail l’histoire et l’actualité du rôle européen en Amérique latine.

L’ouvrage est une collaboration qui date de 2001, et l’ouvrage reflète les circonstances d’alors; sur certains points, il est déjà suranné. Lorsqu’elle n’a qu’une voix, qu’une parole, l’Union européenne parle d’importance sur toutes les questions internationales, qu’elles soient économiques, politiques ou militaires. Quand elle vote en bloc sur les résolutions proposées par les organismes internationaux, il s’agit la plupart du temps du bloc de voix le plus important. L’ironie du sort, c’est que sans grand discours sur la démocratie, l’Union européenne a élargie sa composition de dix états-membres, sans le moindre recours aux interventions militaires. Cela fait contraste avec les États-Unis, qui ne parlèrent plus d’autre chose pendant de longues années après les évènements du 11 septembre. Pour Washington, la structure européenne de sécurité comporte d’importantes lacunes – c’est l’argument de Mesdames Schweiss, Johnston, et Adamski. Il est sûr que la définition de la sécurité régionale est beaucoup plus large en Europe. On pourrait même dire qu’il ne s’agit pas de négligence, mais bien d’une volonté politique spécifique, lorsque l’on remarque que certains intérêts géopolitiques sont laissés pour compte. Selon les auteurs, les européens auraient habilement exploitée la diplomatie, au moment même où les américains la délaissait. Par ailleurs, le multilatéralisme européen aurait un lien plus direct avec la sécurité du continent que ne peuvent expliquer les valeurs qui la sous-tendent. Loin de refuser l’emploi de la force militaire, les européens ne l’emploierait qu’appuyé par le droit international et la légitimité reconnue. Voilà le contraste le plus frappant avec la politique américaine, et c’est surtout à un auditoire disposé d’avance à accepter ce genre de conclusions que l’ouvrage s’adresse.

No comments: