Michael Whitby, Richard H. Gimblett et Peter Haydon, The Admirals/Canada’s Senior Naval Leadership in the Twentieth Century, publié en 2007 chez Dundurn.
Il y a un très grand manque de littérature savante sur tout ce qui se rapporte à la marine canadienne, dans à peu près toutes les disciplines. En histoire maritime, il est vrai, nous sommes un peu plus gâtés. Cela veut dire que presque n’importe quelle recherche dans le domaine trouvera son auditoire tout de suite, indépendamment de sa valeur en soi . Le présent ouvrage sur l’amirauté canadienne colmate une brèche très importante. Ce jugement demeure malgré certaines réserves exprimées ici-bas.
Whiteby, Gimblett et Haydon sont les directeurs d’un ouvrage qui a connu ses débuts à la sixième conférence historique sur le commandement maritime, à Halifax, en septembre 2002. Ils donnent à leur ouvrage une structure très simple: chaque chapitre se consacre à l’un des commandants de la marine, remontant jusqu’au XIXème siècle, et la suite des chapitres est présentée en ordre chronologique. Presque tous les commandants s’y retrouvent, à quelques exceptions près. Le contenu est aussi simple et facile d’accès : il s’agit la plupart du temps d’une énumération chronologique des hauts points de carrière de ces commandants. On y retrouve la liste des navires ou des flottes commandées, le répertoire de la formation suivie, une notice biographique, et un portrait. Absents sont les grands défis politiques, militaires ou autres auxquels certains d’entre eux ont du faire face. Plusieurs des chapitres avaient déjà été publiés ailleurs. Pour le profane, le contenu n’est donc pas très intéressant.
Cela étant dit, il s’agit ici d’un ouvrage qui a sa place dans toute bibliothèque universitaire, car il n’est pas près de se faire faire concours prochainement. Si je ne puis que souligner certains manques, je ne doute pas de l’exactitude des faits rapportés. L’écriture est claire et l’ouvrage est facile à lire. Le texte est égal, et l’ouvrage est facile à consulter pour qui cherche un renseignement particulier.
S’agit-il d’un ouvrage de référence ou d’un essai? Voici ce que je ne puis décider, et voilà ce qui me rend, en fin de compte, plus sévère dans mon opinion. S’il s’agit d’un ouvrage de référence, il aurait fallu qu’il soit complet et que la structure des chapitres soit standardisée. Il aurait aussi fallu présenter un chapitre sur tous les commandants, au lieu d’en sauter quelques uns du XIXème siècle. Une seconde difficulté se retrouve à l’horaire du colloque de 2002: il y a eu un panel composé de quatre commandants récents de la marine. Pour un ouvrage de référence, il est bien difficile d’émettre des chapitres objectifs sur des sujets qui vivent toujours, surtout lorsqu’ils sont devant vous, à écouter ce que l’on dit d’eux de vive voix. Les auteurs n’ont pas pu faire autrement que de se sentir moins libre dans leurs propos.
S’il s’agit d’un essai, pourquoi n’a-t-on pas publié les remarques de ces commandants, remarques d’autant plus intéressantes sur l’évolution du leadership, ou les défis d’avenir. Pour un essai, le manque d’analyse est la faiblesse la plus criante de l’ouvrage. Il n’y a que l’essai d’introduction, qui ne présente ni un résumé, ni un aperçu de l’ouvrage. Par contre, cet essai fait mention de l’état civil de chaque amiral : tous des hommes mariés et tous ayant eu des enfants, on peut se demander quelle est la pertinence de ces renseignements. L’essai d’introduction fait aussi état de la langue maternelle des amiraux, qui tous étaient francophones. Quelle est la signification de ce fait? Les auteurs ne proposent aucune explication et ne formulent aucune hypothèse. C’est dire si la pénétration est limitée.
Par là-dessus, le colloque d’origine comportait un panel sur la nature particulière du commandement marin, un thème qui ne revient nulle part ailleurs dans l’ouvrage. Il y a donc eu plusieurs occasions ratées de contribuer plus à la compréhension de l’amirauté canadienne. Les directeurs de l’ouvrage affirment dans leur introduction avoir manquer de temps. Les bibliothécaires vont sûrement se procurer l’ouvrage pour leurs collections. Il reviendra donc au lecteur ordinaire de juger si cela lui suffit comme explication.